Restauration en détails 1997-1998
RESTAURATION 1997-1998
Le principe général du programme des travaux était la restauration du chef d’œuvre d’Andreas Silbermann, compte tenu des modifications ou apports dus aux facteurs Wetzel et Roethinger. Les interventions furent réalisées avec beaucoup de prudence et dans le respect de la facture ancienne.
Toutes les parties en bois ont été traitées au produit insecticide et fongicide. Les nombreux trous qui avaient été percés pour faire passer les lignes électriques ont été soigneusement rebouchés.
Préalablement au nettoyage général du buffet de l’orgue, des sondages ont été effectués. Comme pour tous les buffets d’Andreas Silbermann, aucune couche picturale n’a été décelée. Le bois de chêne était recouvert, au-dessus d’un glacis à l’eau, de vernis de résine de pin. Ces couches étaient pulvérulentes car elles avaient perdu une grande partie de leur liant. Les éléments décoratifs rapportés étaient posés sans traitement sur un fond recouvert d’un glacis de teinte ébène. Ces reliefs étaient fixés à l’aide de clous et sans colle. Les recherches effectuées sur les panneaux coulissants de la balustrade de la tribune ont donné les mêmes résultats : le buffet de l’orgue d’Ebersmunster n’a jamais été peint.
Le nettoyage a consisté, dans un premier temps, en un lavage complet et un dégraissage de la cire qui avait été appliqué sur le vernis, notamment dans les parties basses. Dans un second temps, le vernis ancien a été dilué et également réparti sur toute la surface du buffet. Ainsi, le buffet a conservé son vernis d’origine. Des pots-à-fleurs en tilleul servaient d’amortissement à chacune des tourelles du grand orgue, fixés par une tige filetée en bois sur des socles de chêne en forme de console renversée, étaient en mauvais état. Lors du bâchage de l’orgue pendant la restauration intérieure de l’église (entre 1978 et 1982), certains éléments ont été arrachés. Un traitement par gazage a permis d’éliminer les insectes xylophages. La polychromie et la dorure étaient craquelées et écaillées en de nombreux endroits. Les couches préparatoires ont été consolidées. Une grande partie de la dorure à l’or jaune a pu être conservée. En revanche, la dorure à l’or blanc, sur les fleurs, a dû être refaite à neuf. Elle a été ensuite enduite d’un glacis coloré, de teinte rouge et bleu. La peinture à la détrempe a été complétée. Des trois pots-à-fleurs du positif, il ne subsistait que la partie inférieure de l’un d’eux. Il fut décidé de les reconstituer à l’identique afin de redonner toute son homogénéité au décor du buffet.
SOUFFLERIE
Les trois soufflets de Wetzel furent restaurés en atelier, et toutes les peaux renouvelées. Les parties endommagées ont été réparées. Les papiers tapissant l’intérieur des soufflets firent l’objet d’un relevé photographique détaillé. Les soufflets peuvent être soit pompés aux pieds, soit alimentés par le ventilateur électrique. Quant au soufflet de Roethinger, il est resté en place. Le tremblant doux fut restauré et le tremblant fort reconstitué en copie de celui de Marmoutier.
SOMMIERS
Les sommiers ont été restaurés en atelier. La qualité du chêne utilisé par Silbermann est remarquable.
Les tables des sommiers du positif et de la pédale présentaient des fissures. Les peaux sous les règles étaient en très mauvais état. A certains endroits, notamment au grand orgue, elles s’étaient effritées au point d’être inexistantes. Elles ont toutes été refaites à neuf. Les soupapes ont été remises en peau et les boursettes refaites. Les ressorts – ils n’étaient pas d’origine – ont été remplacés en partie. Les clous en fer forgé ont resservi.
CONSOLE ET MECANIQUE
Les claviers ont été restaurés en atelier. Les placages des feintes des claviers de grand orgue et de positif ont été refaits en os. Les garnitures ont été changées, ainsi que les parties métalliques des claviers (axes, guides, fils d’attache). Quelques palettes des naturelles trop usées et les tenons d’assemblage entre les claviers de grand orgue et d’écho, qui avaient été sciés, ont été refaits.
Le pédalier déposé – qui est peut-être celui de 1782 – a été restauré et remis en fonction. Le repose-pied a été remplacé. Les abrégés ont été restaurés. Les éléments changés par Roethinger ont été maintenus. Les étiquettes des jeux, en matière plastique, ont été remplacées par des étiquettes en papier. Les noms des jeux ont été écrits à la main, en copie de l’écriture de Johann Andreas Silbermann à l’orgue de Sainte-Quirin en 1746.
TUYAUTERIE
La tuyauterie a été nettoyée et réparée. Les tuyaux de métal présentaient des traces d’oxydation, notamment aux extrémités des tuyaux d’étain. Quelques parties trop oxydées ont été remplacées. Les murs de Bergäntzel ont été maintenus et restaurés. Les tuyaux de façade ont fait l’objet de soins tout particuliers. Les tuyaux de Bergäntzel, qui sont en étain à 67% alors que ceux de Silbermann sont en étain à 97%, étaient en partie affaissés. Ils ont été redressés. Les entailles sauvages, notamment à l’arrière des tuyaux muets, ont été refermées.
Quelques tuyaux étaient endommagés par suite de l’accord instable causé par le manque d’étanchéité des sommiers. Les tuyaux en bois, partiellement refaits par Roethigner, ont été maintenus en l’état.
L’harmonie des jeux à bouche était dans l’ensemble très bien conservée. En plus des dents fines et occasionnelles pratiquées par Silbermann, certains biseaux présentaient des dents supplémentaires plus profondes. Afin de ne pas commettre d’intervention irréversible, elles ont été maintenues. L’harmonie des jeux d’anches avait été atténuée, les languettes changées et les pavillons en grande partie recoupés. Les rigoles non conformes ont été refaites en copie, les languettes remplacées et les pavillons rallongés. Les anches dans leur ensemble ont retrouvé leur état ancien. La Bombarde de Wetzel refaite par Roethinger, a été maintenue.
La pression du vent, qui avait été remontée à 86mm c.e. a été rétablie à 79mm c.e. L’étude de la tuyauterie n’a pas permis de retrouver le tempérament d’origine. L’orientation de la bouche de chaque tuyau a été notée. La position des oreilles et l’état de l’extrémité des tuyaux ouverts ont été soigneusement relevés. La progression des tailles et la longueur des cors ont été comparées. Les résultats sont contradictoires et ne permettent pas de tirer des conclusions. Dans son ensemble, le diapason de l’orgue a été légèrement haussé au cours des siècles. L’orgue a été accordé au diapason existant, avec un tempérament légèrement inégal, dans la limite de ce que permettait la tuyauterie.
Une étude acoustique détaillée a été effectuée par le Laboratoire d’acoustique musicale de l’université de Paris VI. Elle a été réalisée en trois étapes :
- Avant travaux, avec le soufflet de Roethinger,
- Après restauration des soufflets cunéiformes de Wetzel,
- A l’issue de la restauration.
La composition actuelle de l’orgue après restauration est identique à celle de 1732. Seule a été ajoutée, à la pédale, entre l’Octavebasse et la Trompette, une Bombarde 16 (C-f). Quant à l’alimentation en vent, elle est assurée aujourd’hui par trois soufflets cunéiformes superposés par Wetzel.
La restauration de l’orgue d’Ebersmunster a été réalisée par le facteur d’orgues Gaston Kern, de Hattmatt (Bas-Rhin), avec la collaboration, en sous-traitance, des facteurs d’orgues Yves Koenig, de Sarre-Union (Bas-Rhin) et Richard Dott, de Munster (Haut-Rhin). Il faut saluer le fait que les trois facteurs français, par ailleurs concurrents, aient conjugué leur savoir-faire afin de mener à bien, dans les meilleurs conditions, cette délicate restauration.